LE MONDE | 20.12.07 | 14h17
Les Américains ne cachent plus leur inquiétude à propos de l'évolution de la situation militaire en Afghanistan. Est-ce qu'il n'est pas temps de revoir la stratégie mise en œuvre ?
Nous avons connu une période d'amélioration de la situation, et puis, en effet, un certain nombre de signes montrent des difficultés, la situation se dégradant dans plusieurs régions. Nous en sommes arrivés à un stade qui comporte des signes évidents d'amélioration, comme la montée en puissance de l'Armée nationale afghane (ANA) et, en même temps, on voit bien que les efforts importants effectués par la communauté internationale ne suffiront pas s'ils ne sont pas accompagnés d'une montée en puissance de la police afghane et de la justice.
Au-delà des moyens militaires, il faut continuer les programmes civils. Il est indispensable que l'on ait une politique d'accompagnement pour que l'économie afghane puisse sortir de la production du pavot. Cela suppose de créer des filières permettant aux paysans afghans de vivre d'autre chose que de l'opium. Il faut, d'autre part, concevoir la résolution de la crise en Afghanistan en refusant l'ethnocentrisme : l'idée selon laquelle nous pourrions plaquer notre modèle occidental sur la société afghane est une erreur.
Est-on en train de le faire ?
C'est probablement le modèle sur lequel on a voulu construire la paix et les institutions en Afghanistan. Or ce pays n'a jamais été centralisé, son histoire et sa culture sont très différentes des nôtres, ce qui veut dire qu'il faut concevoir un modèle qui tienne compte de ces différences.
Enfin, il faut montrer à la communauté internationale que les choses progressent, par exemple en confiant à l'ANA la responsabilité de la sécurité d'un district ; bien entendu avec un soutien aérien si nécessaire. Il faut que nous montrions que l'Afghanistan est sur la voie de la stabilisation, en donnant en 2008 cette responsabilité à l'armée afghane.
Etes-vous favorable à la nomination d'un coordinateur de l'action internationale en Afghanistan ?
Nous avons un rendez-vous, qui est le prochain sommet de l'OTAN, en avril, à Bucarest. C'est à ce moment-là qu'il faudra faire un bilan précis de l'action qui a été menée depuis cinq ans, et prévoir des réorientations permettant d'améliorer la situation.
Les troupes françaises sont cantonnées à Kaboul, une région plutôt sûre comparée au sud du pays. N'est-il pas temps pour la France de faire un effort supplémentaire en envoyant des troupes dans le Sud ?
Les forces françaises ont payé un lourd tribut dans cette guerre, avec 14 soldats tués en Afghanistan. Outre notre zone à Kaboul, notre engagement comprendra, début janvier, 4 OMLT (équipes d'instructeurs militaires aux côtés de l'armée afghane), plus une autre qui interviendra en appui des soldats néerlandais. Nous avons accepté l'idée de participer à la construction d'une école de logisticiens avec les Allemands, nous avons déplacé nos avions de chasse à Kandahar, nos bateaux sont mobilisés dans le cadre de la Task Force 150.
L'implication française est très importante, avec un total d'environ 2 000 personnes. La question du renforcement des forces françaises en Afghanistan ne pourrait se poser que dans le cadre d'une réflexion globale sur l'action de l'OTAN dans ce pays.
Le déploiement de la force Eufor au Tchad prend du retard, nos partenaires ne semblant pas être très enthousiastes vis-à-vis de cette opération.
Il y a probablement eu des réticences au début. Je n'ai cessé de dire à nos partenaires européens que cette résolution sur le Tchad, nous l'avions portée, avec les Britanniques, au nom de l'Union européenne, et qu'il s'agissait d'une question de crédibilité majeure pour l'Europe de la défense. On ne peut pas à la fois demander à assumer une partie de la résolution de la crise du Darfour, et être incapables de fournir 3 000 à 3 500 hommes dans une zone, certes compliquée sur le plan logistique, mais où le risque militaire n'est pas si important.
Il y a plusieurs raisons à ces réticences : l'Afrique, pour un certain nombre de pays, n'est pas un théâtre habituel ; certains pays, comme le Royaume-Uni, sont déjà très engagés dans différentes opérations extérieures ; enfin, il y a un problème de fond : l'Europe consacre si peu d'argent à sa défense qu'elle arrive très vite au "taquet".
Est-il sage de vendre des avions Rafale à la Libye, pays qui a longtemps armé la guérilla antifrançaise au Tchad ?
La Libye a décidé de réintégrer la communauté internationale. C'est un pays à qui, sur le plan nucléaire, on ne peut rien reprocher. Elle a décidé de faire ce chemin, à tel point que la communauté internationale a décidé de lever l'embargo qui la frappait. Dès lors, je ne vois pas pourquoi la France s'empêcherait de lui vendre des équipements militaires qui, si elle ne le faisait pas, seraient vendus par d'autres pays.
J'ai eu l'occasion de donner à la commission d'enquête parlementaire (sur les conditions de la libération des infirmières bulgares), la liste, fournie par nos services, des contrats d'armement en cours de discussion entre la Libye et d'autres pays européens. La lecture de cette liste lève les derniers doutes sur le fait que la France n'a aucune raison d'avoir des scrupules en la matière.
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