"Plus d'une décennie après la déclaration de guerre d'Al-Qaida contre les Etats-Unis, les agences d'espionnage américaines n'ont pas réussi à placer des informateurs dans cette organisation." Dans son édition du jeudi 20 mars, le Washington Post rapporte que ce constat, qui était d'actualité au lendemain du 11-Septembre, l'est toujours aujourd'hui, car les services américains n'ont pas su s'adapter à de nouvelles exigences.
Selon le quotidien, l'échec des services américains est dû en grande partie au fait que la CIA et le FBI ne possèdent pas de fonctionnaires parlant couramment les langues arabes ou ayant une expérience qui pourrait faciliter le recrutement d'informateurs compétents. "Nous sommes un peu coincés dans une approche datant de la guerre froide, constate un membre des services américains cité par le Washington Post. Mais c'est une cible bien plus difficile que les Soviétiques. Ces gens sont de vrais croyants. Ils vivent selon leurs principes, pas dans la luxure."
INFILTRER LES RÉSEAUX RADICAUX PREND BEAUCOUP DE TEMPS
Pendant la guerre froide, la CIA avait réussi à recruter des espions du KGB avec de l'argent, rappelle le quotidien. Un exemple parmi d'autres est celui de Sergueï Tretyakov, un agent soviétique à l'ONU "retourné" par les services de la CIA avec la promesse d'une vie meilleure sur le sol américain. Les chefs de guerre afghans, et même certaines branches d'Al-Qaida, notamment celle qui opère en Irak, sont également susceptibles d'être tentées par l'appât du gain. Mais le noyau dur, en Afghanistan et au Pakistan, y reste insensible, tout simplement parce que Washington a négligé de prendre en compte le facteur religieux dans sa politique de contre-terrorisme, relève l'article.
A ces lacunes s'ajoutent toutes les occasions ratées et les erreurs accumulées au long des années. Certains jugent même qu'il est désormais trop tard pour espérer rattraper le retard perdu. "Je ne pense pas que l'on puisse pénétrer le réseau désormais", explique Alain Chouet, qui a dirigé jusqu'en 2002 le Service de renseignement de sécurité, une subdivision de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) chargée de suivre les mouvements terroristes. Infiltrer les réseaux radicaux prend beaucoup de temps, explique-t-il, et même si les espions réussissent, ils deviennent "facilement superflus", en raison des missions-suicides qui concernent même les plus haut dirigeants de la nébuleuse.
La lenteur ou l'inaptitude de l'espionnage américain, déjà mises en évidence par la commission d'enquête du Congrès sur le 11-Septembre, apparaît d'autant plus flagrante que les services français, par exemple, ont produit de bien meilleurs résultats. Entre juillet 2000 et octobre 2001, le service de renseignement de sécurité de la DGSE a livré 328 pages de notes, rapports, cartes, graphiques et photos décrivant très précisément le fonctionnement d'Al-Qaida, en se basant notamment sur le travail d'espions ouzbeks infiltrés. L'information, transmise à la CIA en janvier 2001, n'aurait jamais été utilisée pour prévenir les attentats du 11-Septembre.
Cependant, le milieu du contre-terrorisme américain reste optimiste sur les chances d'avoir, un jour, un espion dans les plus hautes sphères d'Al-Qaida, écrit le Washington Post. "Le réseau possède une faiblesse : il reste dépendant de l'arrivée de nouveaux venus pour étoffer ses rangs, et des agents pourraient être introduits à cette occasion."
Le Monde.fr : Les services secrets américains ont toujours autant de mal à infiltrer Al-Qaida - Amériques
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